Au cœur de toute recherche généalogique se trouvent les actes d’état civil. Ces documents, rendus obligatoires par l’ordonnance de Villers-Cotteret dès 1539, permettent de retracer dans les grandes lignes la vie d’un individu.
S’il existe toutes sortes d’archives pour établir l’histoire d’une famille, les actes d’état civil sont des points de départ incontournables. Et ils ne sont pas seulement utiles aux débutants : en réalité, ils forment en quelque sorte la colonne vertébrale de l’arbre généalogique (ok les arbres ne sont pas des vertébrés, mais tu vois, quoi).
Amateurs et professionnels y font constamment référence, car ils contiennent à eux seuls un nombre important d’informations. On y trouve aussi bien des dates marquantes que des indices sur les relations ou la condition sociale. Et la plupart du temps, ils relancent la recherche en suggérant d’autres actes à consulter pour remonter encore plus loin.
Tu l’as compris, maîtriser la lecture des actes d’état civil est donc primordial pour développer ton arbre. Voilà, en 4 étapes, la méthode à suivre pour que ces archives n’aient plus de secrets pour toi.
Savoir à quoi t’attendre
Les actes concernent 3 évènements-phares de la vie : la naissance, le mariage, le décès (NMD pour les intimes). On peut aussi consulter des actes de baptême et de sépulture dans les registres paroissiaux qui jouent grosso modo le même rôle que ceux de naissance et de décès des registres communaux.
Que trouver dans les actes d’état civil ? Selon l’événement dont l’acte fait état et la période à laquelle il a été inscrit, les informations contenues ne seront pas les mêmes. Mais qu’il s’agisse d’une naissance, d’un mariage ou d’un décès, il y a des éléments qui seront toujours présents :
- Les noms et prénoms de l’individu concerné,
- La nature de l’événement,
- Le nom et prénom de la personne qui en témoigne,
- La date de l’acte et de l’événement (qui ne sont pas forcément identiques)
En plus de ces informations de base, tu pourrais également tomber sur l’âge de l’individu, sa date et son lieu de naissance, son adresse au moment de l’événement, sa profession, les noms de personnes de son entourage (amis, voisins, parrains / marraines), les conditions d’un décès (plutôt quand elles sont exceptionnelles), les noms et adresses de ses parents dans le cas où ils seraient encore vivants au moment de rédaction de l’acte, ou une indication de leur décès.
Le jackpot des infos, c’est indéniablement l’acte de mariage, le plus fourni de tous. En plus, il y est dit s’il y a eu contrat de mariage ou non : dans ce cas-là, go voir les archives notariales ! Tu en apprendras plus sur la famille des époux et leur statut dans la société.
Observer la structure
Regarde un peu le document qui est sous tes yeux. Selon les époques et le type de registre (communal ou paroissial), visuellement ça n’est pas toujours la même chose. Déjà, en terme de longueur, l’acte de mariage sort clairement du lot puisqu’il fait souvent une page complète, voire déborde sur plusieurs autres pages, quand les actes de naissance et de décès seront relativement similaires et plutôt courts.
Dans la marge, on peut retrouver en plus du numéro de l’acte, les noms et prénoms de l’individu concerné et la nature de l’acte. Néanmoins ces informations ne figurent pas toujours, en particulier dans les registres paroissiaux du XVIIe et avant. Et oui, c’est énervant. Genre personne ne s’est dit à l’époque que déjà sans table en fin de registre c’était vraiment pas pratique. Il fallait en plus tout écrire à la suite sans espaces entre les paragraphes, et surtout ne pas indiquer de quoi il s’agit dans la marge, histoire qu’on soit vraiment obligé de lire la totalité du registre).
Cependant, on notera la grosse invention du XIXe siècle : j’ai nommé… les mentions marginales (tu peux applaudir). C’est magique : il suffit de consulter l’acte de naissance pour avoir dans la marge la date du mariage et parfois du décès, ainsi que la reconnaissance d’un enfant ! Plus besoin de fouiller les tables décennales. À partir de 1932, on indique même les divorces. Si c’est pas beau le progrès.
Une organisation qui se répète
Pour ce qui est des actes en eux-mêmes, en observant les lignes un peu plus en détails, tu remarqueras qu’ils sortent tous un peu du même moule.
En premier lieu, le rédacteur fait figurer la date à laquelle il écrit, en commençant par l’année. Il décline son identité (qui peut être assez longue suivant le nombre de titres qu’il possède) puis le nom du déclarant, sa profession, son âge et le lieu de son domicile. Il rédige la déclaration en elle-même, c’est-à-dire la date et l’heure de l’événement, le nom de l’individu concerné et la nature de l’événement survenu (naissance ou décès).
À cet endroit de l’acte d’état civil, le rédacteur peut aussi indiquer la filiation de l’individu, ses lieux de naissance et de résidence. Enfin, il est écrit si les témoins ont signé et si non, pour quelle raison.
L’intérêt d’identifier cette structure, c’est de pouvoir lire plus facilement certaines pattes de mouches et calligraphies particulièrement obscures, et de trouver plus vite l’information recherchée.
Déchiffrer l’écriture
Il y a des actes dont la lecture est super easy : des lettres bien formées, des espaces entre chaque acte, le nom de la personne concernée écrit en gros, on aurait presque envie de proposer un date au rédacteur s’il était un peu moins rigide (en vrai pas besoin d’inscrire le nombre de mots rayés mon chou, ça n’intéresse personne)… Et surtout s’il n’y avait pas autant de chances qu’il soit mort depuis au moins 100 ans.
Mais parfois (trop souvent), on tombe sur des registres qui donnent envie de tout brûler. Ceux où il y a des gros pâtés en plein milieu des actes, où l’encre a traversé l’autre côté, où c’est écrit tout petit et vraiment très mal, avec des mots qu’on n’orthographie plus comme ça aujourd’hui, et où on a l’impression que le gars a essayé d’écrire tout son paragraphe sur la même ligne (tourne la page bon sang). Bon, on ne parlera pas de ceux où la page de l’acte qu’on venait chercher a été arrachée, ils sont hors concours.
La paléographie, ou quand la loupe ne suffit plus
Pour garder un semblant de sang-froid, il existe de très bons guides de paléographie, et même des cours en ligne et sur Youtube. Pour certains actes très anciens, impossible de faire l’impasse : il va falloir bûcher. D’autres astuces consistent à modifier le contraste de la page, voire à changer les couleurs pour mettre en lumière et comprendre certains tracés. Garde aussi à l’esprit que l’orthographe n’était pas la même qu’aujourd’hui, et intéresse-toi aux abréviations en vigueur à l’époque. Cela t’épargnera des maux de tête…
Dans tous les cas, la base de la base, c’est d’observer les caractéristiques d’écriture de la personne qui a rédigé l’acte, et d’essayer de se mettre à sa place. Suis le tracé de sa plume et imagine-toi écrire dans son sillage. Quand tu tombes sur un mot que tu n’arrives pas à lire, cette technique peut t’aider à le déchiffrer.
Sinon, l’idéal est de chercher dans le reste du texte des formes qui ressemblent à ce que tu penses être les lettres. En comparant le mot-mystère avec d’autres qui ne te posent pas de problème de lecture, tu peux réussir à donner un sens à cet amalgame de taches abstraites.
Quelquefois ce sont les noms des personnes citées dans l’acte que l’on n’arrive pas à saisir. Dans ce cas, réfère-toi aux signatures, dont la calligraphie est parfois bien plus claire que celle du rédacteur.
Contourner les pièges
En général la consultation d’un acte est motivée par le désir de mettre la main sur une information en particulier. L’un des risques majeurs est de ne s’intéresser qu’à cette donnée et de laisser de côté toutes les autres présentes dans le document. Comme d’habitude, mieux vaut garder les yeux bien ouverts. Se focaliser sur une seule information, c’est un peu refuser de découvrir autre chose (et la généalogie, c’est plutôt tout le contraire).
Plutôt que de lire en diagonale, utilise ta connaissance de la structure des actes pour révéler de façon plus évidente la multitude d’informations qu’ils contiennent. En quelques secondes, tu peux isoler les données qui concernent ton arbre des phrases redondantes de l’officier de mairie.
Quoiqu’il en soit, même en prenant des notes, procure-toi ta propre copie de l’acte. Cela peut être une version numérique, une photo que tu auras prise toi-même, une photocopie faite par le service d’archives. C’est important si tu veux pouvoir t’y référer plus tard et accréditer ton arbre.
Une copie facile à lire : la transcription
Ce qu’il peut être bien de faire aussi, c’est une transcription intégrale des actes d’état civil. Cela veut dire réécrire l’acte en entier, sur ordinateur par exemple. Et là, il y a un méga piège dans lequel ne pas tomber : celui de corriger l’acte en lui appliquant l’orthographe actuelle ou en modifiant l’écriture des noms propres (non, non et non !!). Ça, c’est vraiment ce qu’il ne faut jamais faire.
Pourquoi ? Le principe de la transcription, c’est de reproduire le texte original tel qu’il a été écrit, sans aucune modification. Te faire ta propre copie, d’une certaine façon. Si tu commences à changer l’orthographe pour appliquer celle en vigueur de nos jours, tu fais de la traduction.
Or il est important de rester fidèle au document que tu transcris. Une certaine façon d’écrire un nom de famille, par exemple, si elle diffère des actes antérieurs concernant la même famille, te donne des indications sur la possible évolution du nom.
En plus, tu peux te tromper et mal interpréter le sens d’un mot en lui collant une orthographe différente de l’initiale. La transcription, c’est une autre façon d’avoir une copie de l’acte, plus facilement lisible ; mais ce n’est pas une analyse.
On récapitule
Pour une recherche généalogique efficace, prends les informations à la source. Les actes d’état civil contiennent la base des informations nécessaires à ton arbre. Pour repérer facilement celui qui t’intéresse, regarde la table en fin de registre et prends en note le numéro de l’acte.
Grâce à une observation minutieuse (mais vite acquise, tu verras) de la construction des différents types d’actes, tu identifieras ta cible en un clin d’œil. Tu seras à même de distinguer les informations des phrases structurantes… à condition de comprendre ce qui est écrit. C’est le moment de mettre tes lunettes de Mentalist pour deviner la pensée à l’origine de ces drôles de signes laissés sur le papier.
De toute façon, la clé d’une bonne lecture, c’est de prendre son temps. Inutile d’aller trop vite et d’en oublier la moitié. Et tu connais la chanson : « prends des notes » 🎼
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