Faire ta généalogie, ça signifie fouiller les documents anciens, collecter toutes sortes d’objets, bref chercher les traces qu’ont pu laisser derrière eux tes ancêtres. Pourtant, on en parlait dans l’article précédent, les informations utiles à ta généalogie ne se trouvent pas que dans les archives.
Certaines n’y seront même jamais : c’est tout le problème d’étudier des personnes sans pouvoir les rencontrer. Difficile de savoir avec précision quelle était leur personnalité, par exemple, hormis si tu as pu les côtoyer… ou en discuter avec quelqu’un qui l’a fait !
Ça peut paraître surprenant, mais en 2022, il est encore possible de parler avec des gens nés à la fin des années 20 ou dans les années 30. Des gens qui, en plus de partager leurs souvenirs d’enfance avec toi, peuvent aussi te partager leurs propres archives et te renseigner sur leurs parents, voire leurs grands-parents (nés au 19e siècle). De quoi faire un bond dans le temps !
Encore faut-il oser aller à la rencontre de ces personnes. Ce pas n’est en effet pas toujours évident à franchir : peur de déranger ou d’incommoder, timidité personnelle, appréhension à l’idée d’échanger avec quelqu’un d’une autre génération…. Prendre contact est une chose, visiter en est une autre.
Ce serait pourtant trop bête de passer à côté d’une occasion pareille : autant les morts ne peuvent plus parler qu’à travers ce qu’ils ont laissé, autant les vivants, il y a moyen de leur poser des questions ciblées. Et ne pas le faire, c’est prendre le risque d’accumuler d’amers regrets : ne t’es-tu jamais dit “si seulement je pouvais lui demander” au sujet d’un proche parti avec ses secrets ?
Pour t’aider à passer ce cap et tirer le meilleur de tes rencontres avec des personnes-ressources, examinons ensemble les différents points à préparer pour te tranquilliser… Et poser les bonnes questions.
Qui peut t’aider ?
Ici, il ne s’agit pas de contacter des administrations, mais bien des individus qui ont pu approcher de près ou de loin la personne sur laquelle portent tes recherches. Pour savoir à qui t’adresser, je te conseille la méthode des cercles. Je m’explique : place (dans ta tête ou sur papier) l’individu sujet de ta recherche au centre de cercles relationnels plus ou moins larges : d’abord sa famille très proche, puis sa famille un peu plus éloignée (ses cousins, ses oncles et tantes, les beaux-frères et belles-soeurs), ensuite ses amis d’enfance, ses relations de travail, etc.
Dans chacun de ces cercles, essaie de déterminer quelles personnes sont décédées et lesquelles sont encore vivantes, puis fais le point sur celles dont tu as les informations de contact et sur les informations qu’elles sont susceptibles de te donner.
Il peut y avoir des noms clairement identifiés, mais aussi des promotions d’écoles, des associations, des entreprises et leurs cercles d’anciens, dont tu pourras te rapprocher pour, justement, trouver les bonnes personnes à qui parler.
Une fois que tu auras choisi les modalités de contact et obtenu un premier échange à distance, tu pourras convenir d’une rencontre.
Choisis un lieu approprié
Qui dit rencontre, dit discussion, et donc, un minimum de temps à passer ensemble : il va te falloir trouver un lieu confortable et adapté, où vous pourrez vous entendre sans élever la voix, où vous n’aurez pas froid, un lieu avec de quoi boire (pour ne pas finir enroué) et peut-être de quoi manger (pour plus de convivialité). Enfin, la présence de toilettes est à ne pas négliger.
Tu peux proposer un espace public, comme un café : l’intérêt de ce genre de lieu est qu’il est relativement neutre, tu ne risques pas de bousculer ton interlocuteur en t’introduisant dans son foyer. Cependant certains peuvent s’avérer très bruyants et ne pas être les meilleurs endroits pour des conversations qui touchent à l’intimité, notamment s’il y a du monde et que les tables sont très proches les unes des autres.
Si la météo le permet, la rencontre peut se faire en extérieur, dans un parc à la rigueur. Néanmoins, ce n’est vraiment pas l’option que je privilégierai : même si le cadre est chouette, tu vas certainement avoir besoin d’un appui pour prendre des notes, et tu seras plus à l’aise et plus concentré en étant face à la personne à qui tu parles. Sur un banc, ce n’est pas l’idéal ! À moins que le lieu ait toutes les infrastructures nécessaires, je te le déconseille.
Et à la maison ?
Je ne retiendrais pas la possibilité d’organiser la rencontre à ton domicile, car cela revient à demander à cette personne de faire l’effort de se déplacer jusqu’à toi, alors que tu es à l’origine de la demande de rencontre. Ce n’est pas non plus là qu’elle se sentira le mieux, puisque c’est un lieu où elle n’aura pas de repères.
Reste la rencontre directement chez elle : là, c’est toi qui part en terrain inconnu, mais ce n’est pas si grave. L’avantage est qu’à part tes questions et les éventuels souvenirs sensibles qu’ils peuvent faire remonter, rien d’autre ne viendra la déstabiliser. C’est aussi le seul endroit où la conversation pourra, dans le meilleur des cas, être spontanément agrémentée d’archives supplémentaires, si la personne veut bien te partager ce qu’elle a dans ses tiroirs ou son grenier.
Quoiqu’il en soit, le mieux est de privilégier le confort de la personne à qui tu vas t’adresser. N’hésite pas à l’interroger au préalable sur les circonstances dans lesquelles elle se sentira le plus à l’aise. Son ressenti peut avoir une grande influence sur le déroulement de votre rencontre et la richesse des informations échangées. En te mettant à sa place et en lui demandant ses préférences, tu la rassurera sur tes intentions.
Prépare la rencontre en amont
Mais d’ailleurs, pourquoi tiens-tu tant à rencontrer cette personne ? Quels sujets souhaites-tu évoquer avec elle ? Avant le jour J, assure-toi d’avoir bien délimité le champ des questions que tu envisages de lui poser. Bien sûr, tu pourras lors de l’entretien te laisser aller et improviser, mais ce petit travail de balisage te permettra d’avoir l’assurance de ne pas passer à côté de ce que tu voulais absolument aborder.
Tu peux écrire une liste de questions précises (attention à ne pas tourner à l’interrogatoire), ou décider de grandes thématiques qui structureront la conversation : de cette manière, aucun risque que tu te retrouves à regarder ton interlocuteur dans le blanc des yeux. N’hésite pas à prévoir des supports à la discussion, tels que les archives que tu as déjà collectées, des photos si tu as, ton plan de recherche et ton arbre en construction. En plus d’avoir des choses à montrer, cela permettra à la personne de mieux cerner l’état de ta recherche, et cela lui évoquera peut-être des souvenirs ou des anecdotes dont tu pourrais avoir l’utilité.
Fais preuve de pédagogie
Même si tu as déjà dû le faire lors de la prise de contact, mets un point d’honneur à expliquer ta démarche de la façon la plus claire possible encore et encore, afin d’adoucir les réticences (potentiellement encore présentes) que la personne peut éprouver lorsqu’il s’agit d’aborder certains sujets. Dans le cas d’une question mal formulée, il sera aussi beaucoup plus évident qu’il ne s’agissait que de maladresse et pas d’une réelle volonté d’offenser.
Outre le contenu de la discussion, prépare aussi de quoi garder des traces de la rencontre. De quoi prendre des notes, oui, mais as-tu pensé que tu pouvais enregistrer, voire filmer une partie ou l’intégralité de l’échange ?
Pour bien profiter du moment et être pleinement avec la personne que tu vois pour la première fois, c’est l’option parfaite : tu pourras toujours revenir sur les détails plus tard. L’important, c’est de bien demander l’accord de chaque personne-ressource au préalable, avant la rencontre, mais aussi le jour-même : elle peut avoir oublié, changer d’avis ou être impressionnée par ce genre de dispositif.
Si c’est ok, place ton matériel de façon à ce qu’il capte bien le son et éventuellement l’image, mais ne le rend pas trop visible pour qu’il se fasse plus facilement oublier et ne gêne pas le déroulement de la conversation.
Reste sceptique
Le jour de la rencontre est enfin arrivé et tu bois les paroles de ton interlocuteur : tout ce qui est dit est tellement intéressant ! Oui mais… Même pour des informations de première main (par exemple, ta personne-ressource te parle de ses parents qu’elle a très bien connus), veille à conserver une certaine distance vis-à-vis de ce qui t’est rapporté.
Déjà, parce que la personne n’est pas neutre : les relations qu’elle entretenait avec les individus sujets de tes recherches sont pleines d’affect, et elle te fait part de ses ressentis, qui sont forcément subjectifs. Tu peux tenter d’analyser les signes d’éventuelles rancœurs, ou au contraire l’idéalisation d’un membre de la famille en te basant sur tes propres connaissances de l’histoire familiale et en examinant les expressions faciales, la gestuelle et le ton de la voix. Mais là aussi, gare aux sur-interprétations !
Tout au long de la discussion, ne te contente pas des phrases prononcées comme des vérités générales. Demande plutôt des approfondissements, des explications, quitte à ce qu’on te prenne pour quelqu’un qui ne comprend rien ! Essaie d’aller toujours un peu plus loin que ce que la personne te dit au premier abord, pour comprendre ses positions et ses éventuels parti-pris.
Reste dans l’analyse
Enfin, la mémoire n’est pas toujours l’instrument le plus fiable (loin de là) : souvenirs altérés, tronqués ou même carrément inventés, erreurs dans certaines dates ou certains faits… Il y a des données que tu pourras facilement vérifier, d’autres que tu pourras essayer de recouper.
L’essentiel est de ne pas prendre les récits qui te sont faits pour argent comptant. Chacun d’entre eux dévoile un angle de l’histoire familiale, soumis à une sensibilité et un point de vue bien particuliers. Si tu as la possibilité de rencontrer plusieurs personnes, tu t’en rendras vite compte : les souvenirs des uns ne sont pas toujours ceux des autres.
Alors dans ces conditions, douter raisonnablement, c’est le meilleur moyen de se rapprocher de la vérité ! Pour continuer à suivre la méthode scientifique, garde en tête que les anecdotes, ce n’est pas ce qui s’est passé, mais ce qu’une personne t’a dit qu’il s’était passé.
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